HistoireQuelques dates en préambule.2462 ◈ Un homme élégamment vêtu s’égare un soir dans les bras d’une certaine Elena, qui lui fait oublier sa femme et ses enfants. Non qu’il eut à s’en plaindre, mais la beauté slave de cette femme l’ébranla, au point qu’il n’eut d’autre choix que de succomber à son charme. Cette dernière n’était qu’une simple ouvrière, travaillant sur un atelier de fabrication à la chaine. L'apparence haut placée de cet homme lui résonna comme l'espoir d'un avenir plus lumineux.
2463 ◈ Elena tombe enceinte, seule, avec la nécessité de poursuivre son travail pour avoir de quoi manger. Elle contacte l'homme et lui annonce la nouvelle. Celui-ci refuse de reconnaitre la paternité et nie jusqu'à leur rencontre. Il refuse de voir sa réputation entachée d’un adultère et d’un bâtard. De désespoir, Elena achète au marché noir un puissant poison et fait assassiner sa femme, à travers une livraison de chocolats. Quelques jours après, ce dernier, au comble de la déchéance, se fait expulser du dôme pour des raisons inconnues.
2470 ◈ Elena n'a eu d'autre choix que d'élever sa fille seule. Sept ans après, elle apprend par les médias la montée en puissance de Melheor Carstan. En parallèle, l'enquête sur la mort de la femme de Neldrik aboutit enfin à un suspect, le trafiquant même qui avait fourni à Elena sept années plus tôt, le poison. Ce dernier la dénonce sans le moindre état d'âme. Elena n'a qu'une issue : elle se rend chez Melheor en le suppliant de prendre soin de sa fille... la jeune Anastazya.
- Généalogie brève:
Histoire détailléeVoilà sept ans que le gouvernement avait brusquement changé de conseiller. A cette époque déjà, le dôme cultivait avec goût son ambivalence, qu’il a largement fait croître avec les années : d’une part cette tranche de population mêlée d’ouvriers, de clandestins et de parias, prêts à tout pour survivre et d’autre part, cette classe distinguée d’êtres cultivés, bien pensant et désireux d’assurer la pérennité du dôme (et surtout de leurs privilèges).
Bureau du conseiller Melheor Carstan, 7h47.Une femme en loques, à l’odeur plus que douteuse a réussi à passer les lignes de sécurité, on ne sait trop comment. Elle est devant la secrétaire du conseiller Carstan et hurle qu’elle se tuera sur place si ce dernier ne la reçoit pas. Contre toute attente, le dignitaire la fait finalement entrer dans son bureau, à l’abri des regards. Il démontrera par cet acte, une nouvelle posture charitable et noble, destinée à faire briller son aura médiatique… ou ce geste altruiste cacherait il un secret ?
La petite blondinette à couettes, toute aussi crasseuse, pendue au bout de la main de la femme regarde cet homme au visage sec et tendu qui la toise de haut. Elle n’entend rien à leur conversation, mais elle sent que quelque chose de terrible se passe. Elle serre, aussi fort qu’elle peut, ses petits doigts potelés sur la main de sa mère.
« Elle ne manquera de rien. En mémoire de notre père, elle recevra la meilleure instruction, je t’en fais le serment. Elle ne saura rien de son père ou de toi. Maintenant, pars. »Le petit cœur d’enfant s’accélère, la respiration se fait plus profonde.
« Maman reviendra te chercher… en attendant reste avec ton oncle.»Voilà la dernière promesse à laquelle Anastazya a cru, en vain.
Ce jour là, elle eut beau hurler et frapper contre la vitre par laquelle elle voyait sa mère se faire emporter par une brigade, rien n’influa sur ces décisions d’adultes qui brisaient sa misérable vie en morceaux.
Une fois l’hystérie du drame passée, l’homme lui jeta un regard froid et asséna sèchement :
« Inutile de te mettre dans état pareil. Tu vas gagner au change, je puis te l’assurer. »Melheor a toujours fait preuve d'une dévotion notable. Que ce soit dans ses travaux comme dans la formation de nouvelles têtes blondes. Toutefois, s’occuper de la gamine était au dessus de ses forces, ne parvenant lui-même pas à assurer sa descendance : c’est pourquoi il la confia en tutelle à son garde du corps. Professionnel, celui-ci éleva l’enfant comme on forme une recrue militaire, bien décidé à en faire un membre actif et efficace pour le dôme.
…
Un ancien souvenir l’étreint, profondément ancré dans sa mémoire.Anastazya a 8 ans. Depuis quelques semaines, un cauchemar hante toutes ses nuits. Elle se réveille en sursaut, en larmes. Elle court dans la grande maison mais elle ne trouve personne. Un matin, elle va voir son tuteur et lui raconte tout : « Je suis enfermée, dans l’obscurité. Je me heurte à des parois que je ne vois pas. L’air me manque, je frappe sur les murs et j’ai l’impression que ma prison rétrécit, prête à m’écraser... »
Son tuteur la prend dans ses bras en disant simplement :
« On va se débarrasser de ce vilain cauchemar ».La petite Anastazya est conduite dans le sous sol de la maison par son tuteur.
« J’ai peur du noir… je ne peux pas aller là… » pleurniche t-elle.
« Comment combat-on sa peur ? » répond-il simplement.
« En la regardant dans les yeux… » répète l’enfant dans un souffle, comme une leçon bien apprise.
L’homme s’avance dans la pièce, rejoint une malle imposante qui trône en plein milieu et l’ouvre, avant de s’écarter, tenant le couvercle dans sa main.
« Maintenant. » se contente t-il de dire.
Après un long moment d’hésitation, elle avance de son propre chef jusqu’à la malle et c’est sans contrainte qu’elle l’enjambe, avant de s’y recroqueviller. Elle sait inutile de jeter un ultime regard de détresse à son tuteur, elle serre donc ses bras autour de ses jambes et regarde la paroi droit devant elle, tandis que le couvercle se referme sur elle, la plongeant dans les ténèbres.
Le temps qu’elle y passa importe peu, car celui-ci, dans la boite, avait perdu toute réalité.
Ce qui importe, c’est qu’elle ne fit plus jamais ce cauchemar. D’ailleurs, elle n’en fit jamais plus aucun autre… du moins, ne les avoua t-elle pas à son tuteur.
…
La petite fille reçut une instruction stricte et exemplaire, grâce à un précepteur qui venait chaque jour pendant cinq heures. Elle se montra une élève appliquée et consciencieuse, démontrant une aptitude et une propension pour les sciences, et plus particulièrement la biologie.
A ses onze ans, elle fut surprise en train de disséquer un rat avec des ciseaux d’enfant et des épingles de couture, seule dans sa chambre. La méthode précise avec laquelle elle avait classifié chacun des organes força l’admiration de son précepteur. Loin de la réprimander, il l’encouragea dans cette voie.
A ses treize ans, elle obtint le privilège d’intégrer les laboratoires du secteur du niveau 2 pour approfondir certains domaines de compétences dans lesquelles elle prouvait chaque jour une passion croissante.
Ce fut pour elle une véritable révélation.
Elle enchaina plusieurs stages auprès de scientifiques émérites, qui, le plus souvent, était conquis par la frimousse adorable de la gamine. Pourtant au-delà de ce faciès d’ange, une dureté glaciale transcendait au travers des yeux de l’enfant, mettant mal à l’aise les adultes qui s’y attardaient un peu trop. Anastazya enchaina plusieurs mois de recherche sur le génome et les tares génétiques ainsi que la fertilité et l’influence du milieu sur l’organisme. Passionnée, elle passait plus de temps dans les labos que certains de ses enseignants.
A ses quinze ans, elle développa sa propre thèse sur les réparations biologiques par ingénierie mécanique. En combinant, biomécanique et bio ingénierie, elle mit en place une série d’études centrées sur le développement d'organes artificiels et de biomatériaux et l'étude du système musculo-squelettique.
Elle avait une conscience aigüe des problèmes de santé actuelle, tant au sein du dôme qu’à l’extérieur, et en voulant développer des recherches d’un plus haut niveau, une recherche pluridisciplinaire à la fois fondamentale et appliquée, en interactions fortes avec les attentes industrielles et sociétales dans les domaines de la santé et du vivant, elle se heurta rapidement à deux freins majeurs : le principe de moralité et les essais sur le vivant.
De nos jours.Anastazya s’apprête à fêter ses dix-sept ans. A cette occasion, son oncle a décidé de la présenter officiellement au monde de l’élite du dôme en organisant une réception. L’évolution exponentielle de la jeune fille est pour lui une aubaine, car il se targue de l’influence qu’il a joué dans son instruction et prétend qu’elle pourrait, avec les moyens nécessaires, rendre immortelles les personnes capables de payer pour. Au milieu des convives, cette spéculation s’accompagne d’un éclat de rire grandiloquent et de quelques tintements de verres qui s’entrechoquent joyeusement.
C’est lors de cet événement qu’elle annonce son souhait d’intégrer les laboratoires du secteur 7 en tant que chercheuse indépendante.